Paris, 538. Le soir tombe sur la ville et les lanternes commencent à s’allumer. Un jeune homme aux cheveux longs et vêtu d’une bure éclaire l’entrée du monastère pour les hommes venu le voir. Ces derniers préparent leurs chevaux pour repartir. L’un d’eux se tourne une dernière fois vers le jeune moine.
– Tu es certain de ta décision ? Tu es un héritier légitime du royaume des Francs. Tu n’as qu’un mot à dire et nous lèverons une armée pour te rendre ton héritage et venger tes frères.
– Votre loyauté me touche, messeigneurs. Mais je n’aspire qu’au royaume éternel.
Devant la résolution inébranlable du jeune homme, les partisans zélés font leurs adieux au prince et s’en vont. Clodoald peut à présent couper sa chevelure. En coupant ses cheveux longs, le petit-fils de Clovis renonce à sa royauté. Car il n’y a rien de plus important que de servir le véritable roi des hommes, le Christ.
L’enfance baignée dans le sang
Clodoald se rend ensuite à la chapelle pour prier. Alors que ses pas résonnent dans le couloir, de vieux souvenirs amers lui viennent à l’esprit. Il a à peine deux ans lorsque son père Clodomir meurt au combat, laissant Clodoald, Thibault et Gonthaire orphelins. Ils sont recueillis par leur grand-mère, la fervente reine Clotilde. Mais le malheur n’a pas fini de frapper le petit Clodoald. Ses oncles, avares et ambitieux, ne reculent devant rien afin de prendre possession du royaume.
Ils invitent la vieille reine et les fils de Clodomir sous prétexte de les nommer officiellement successeurs de leur père. Enchantée, Clotilde les fait habiller somptueusement pour l’occasion. Mais une fois chez ses fils, ces derniers égorgent Thibault et Gonthaire de leurs propres mains sous le regard horrifié de leur grand-mère.
Pour protéger Clodoald, on l’emmène dans un petit monastère où les moines le recueillent. Ce même monastère dans lequel il choisit aujourd’hui le royaume éternel. Car c’est dans ce lieu de prière qu’il a découvert l’amour du prochain, la vocation et le pardon. Pas de doute possible dans son esprit : s’il a été épargné, c’est que Dieu le voulait pour Lui. Et on ne peut servir le Seigneur en nourrissant la vengeance.
L’humilité à l’origine de Saint-Cloud
Après avoir distribué les biens qui lui restaient aux pauvres, Clodoald quitte Paris afin de fuir ceux qui connaissent sa royauté. Il se rend à Rocamadour puis à Agaunum et en Provence, à la recherche de la parfaite humilité. Mais même là où on ignore sa véritable identité, sa sagesse et son don de guérison le font remarquer. À tel point que les récit de ses miracles remontent jusqu’à Paris et on le supplie de revenir.
À son retour, il s’en va rencontrer saint Séverin, un ermite qui vit sur les bords de la Seine. Cette vie humble et cloitrée l’attire. Mais on vient le trouver par centaines et il continue de guérir. On le conjure, on l’implore de devenir prêtre. Il faut bien se rendre à l’évidence, ce n’est pas en tant qu’ermite que Clodoald accomplira la sainte volonté.
– Soit, finit par dire le moine. Je cède à la volonté de Dieu.
En 551, l’évêque de Paris l’ordonne malgré sa réticence. Ses oncles, convaincus qu’il ne représente plus aucun danger, lui attribuent des terres et de grands biens. Naturellement, Clodoald donne la quasi totalité aux pauvres. Les rois lui offrent aussi les terres de Nogent, village de pécheurs et vignerons au bord de la Seine.
De nombreux disciples le rejoignent, le suppliant de devenir leur maître spirituel. Décidément, le Christ veut à tout prix le garder parmi les hommes. Toujours avec réticence, il accepte. Il fait construire à Nogent un petit monastère. Grâce à la présence des moines, on construit hôpitaux, écoles, exploitations agricoles… Nogent prospère sous la bienveillance de Clodoald. Et les villageois louent sans cesse les vertus de leur abbé.
Clodoald s’éteint le 7 septembre 560, à l’âge de 38 ans. Le moine qui voulait tant être ermite et qui finit prêtre malgré lui laisse derrière lui un héritage incroyable. Nogent deviendra plus tard Saint-Cloud en l’honneur de son fondateur. Cette année 2022 marque le 1.500e anniversaire de sa naissance.