Lèv, ce sont trois petites lettres qui, assemblées ainsi, signifient “cœur” en hébreu. Mais c’est aussi l’histoire de quatre jeunes gens originaires de Toulouse, passionnés par la musique et le chant, qui ont décidé de mettre leur talent au service de la liturgie catholique, en créant un groupe musical dédié à l’animation de messes moyennant un budget allant de 250 à 500 euros. Domitille, Claire, Marie et Jerry sont des amis jouant de divers instruments de musique : guitare, violon, violoncelle ou piano, sans oublier, bien sûr, le chant.
Tout commence à l’été 2019, lorsqu’un de leurs couples d’amis se marie et les sollicite pour animer la messe de mariage. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit non seulement de faire de ce jour un souvenir inoubliable pour les jeunes fiancés, mais aussi d’inclure pleinement l’assemblée dans le déroulement de cette liturgie, dont la plupart sont un peu, voire très éloignés. La future mariée est d’origine tunisienne, fraîchement convertie au catholicisme et baptisée, et son futur époux redécouvre progressivement la foi. L’assemblée est majoritairement constituée de musulmans, d’athées ou de non pratiquants. Un obstacle ? Pas forcément. Un défi ? Bien davantage. La messe finie, c’est une avalanche de compliments qui attend le groupe à la sortie de l’église, encouragé à poursuivre sur sa lancée. Un second mariage suit, tout aussi apprécié. Puis, des funérailles, celles de l’époux d’une jeune femme, père de deux enfants en bas âge. Les chants et la musique choisis touchent les cœurs et réveillent dans les âmes ce quelque chose de timide, un peu effacé par l’idée de la mort, mais non moins vivant : la “petite fille espérance” dont parlait Charles Péguy.
C’est ici que l’idée germe, répondant surtout à un constat, celui d’un besoin capital d’être amené à la prière et au recueillement par la musique. Le groupe Lèv voit donc le jour en septembre 2019. “Pour nous, l’idée était vraiment d’accompagner les familles et toutes les personnes à des moments clés de leur vie, de témoigner de la présence du Seigneur à travers les chants et la musique” explique Domitille, chanteuse et guitariste du groupe à temps complet.
Le groupe propose dès lors ses services pour des messes de baptême, de mariage, pour des funérailles ou encore dans des écoles. Il s’adresse à un public large, l’idée étant surtout d’être une force de témoignage et d’évangélisation auprès des personnes éloignées de la foi, et de les accompagner pour leur rendre plus accessible ce qui peut leur sembler suranné, voire un brin morose. “C’est cela qui touche les gens : le fait qu’on les porte dans la prière”.
Pour cela, le groupe utilise un répertoire musical varié qu’il veut souple, capable de s’adapter à chacun. Il est donc possible de jouer une musique profane uniquement à l’instrument pour une entrée ou une sortie de messe par exemple, mais le genre sacré doit conserver le monopole. Et pour ce dernier, on trouvera différents styles, du plus classique au plus récent, des chants traditionnels à ceux de Glorious.
Cinquante mariages déjà animés
Depuis juin 2020, le groupe Lèv a accompagné près de 50 mariages, une trentaine d’obsèques, 40 messes scolaires comprenant des confirmations, professions de foi ou premières communions, etc.
Cette initiative rencontre un véritable succès et a lancé “un véritable mouvement dans l’organisation des messes de mariage”, explique l’abbé Paul Roland-Gosselin, vicaire de l’ensemble paroissial de L’Union. “Le groupe apporte une véritable plus-value à la liturgie des messes. Le fait que les musiciens et chanteurs soient des catholiques pratiquants rend les choses simples car on se comprend vite, ils sont au service de la liturgie. C’est appréciable pour nous, prêtres, de pouvoir compter sur eux. Leur professionnalisme est rassurant et permet de concilier modernité et sens du sacré.” Même enthousiasme pour Michel, qui a fait appel à Lèv dans le cadre des funérailles de sa mère. Pour lui, le point fort du groupe réside dans son adaptabilité : “leur inclusion aux équipes de funérailles fait qu’on arrive à une certaine fluidité, ils ne sont pas “en plus”, ils sont “avec”. Le groupe se fond dans un ensemble et permet à la liturgie de toucher les cœurs, de redécouvrir un ensemble souvent oublié.” Dans sa petite paroisse du Gers, l’intervention du groupe a eu comme un effet détonateur : “Les gens ont eu envie de revenir à la profondeur de la liturgie”.
Leur professionnalisme est rassurant et permet de concilier modernité et sens du sacré.
Pour Amandine et Nicolas, la richesse de Lèv se trouve aussi dans son accompagnement avant la messe de mariage : “On peut être un peu perdus pour préparer une messe lorsque l’on n’est pas habitué. Lèv a aussi fait la différence — en plus de la performance en tant que telle qui était extraordinaire – par la qualité de son accompagnement et par sa disponibilité pour trouver ce qui nous correspondait vraiment”.
Une initiative qui fait donc parler d’elle, mais qui pour avoir un véritable impact, doit être suivie par d’autres, selon Domitille : “Nous voudrions que d’autres collectifs de musiciens se lancent, car le besoin est immense. Les catholiques ont des choses à offrir pour apporter aux gens la prière et l’espérance dont ils ont besoin, dans les moments de joie comme dans les moments de peine. Il y a un véritable enjeu d’évangélisation et de témoignage à travers ces diverses occasions”. L’ambition est donc de créer un véritable réseau de groupes de musique professionnels afin d’être répartis dans toute la France, et de favoriser l’accès à une véritable animation musicale pour la liturgie catholique. Un projet déjà en partie suivi par plusieurs autres acteurs référencés comme partenaires de Lèv.
Nous catholiques avons des choses à offrir pour apporter aux gens la prière et l’espérance dont ils ont besoin.
On attribue souvent à saint Augustin le bon mot suivant : “chanter, c’est prier deux fois”. C’est sûrement vrai, à ceci près que saint Augustin aurait plutôt dit : “bien chanter, c’est prier deux fois”… Et le groupe Lèv a semble-t-il relevé le défi.