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L’obligation du dialogue

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MAX ROSSI / POOL / AFP

Le pape François s'entretient avec le grand imam égyptien de la mosquée al-Azhar, le cheikh Ahmed Mohamed al-Tayeb, lors d'une audience privée au Vatican le 23 mai 2016.

Benoist de Sinety - publié le 29/01/23

Les attaques de musulmans fanatiques contre les chrétiens ne doivent pas empêcher le dialogue. Pour le père Benoist de Sinety, curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille, il n’y a pas d’autre réponse : la rencontre n’est pas un risque, mais une obligation.

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« Mort aux chrétiens ! », « Allah est grand » : l’annonce des attaques dans les églises d’Algésiras, dans le sud de l’Espagne, le 25 janvier et le drame qui en résulte (un mort et quatre blessés) fait renaître une inquiétude sourde chez nombre de chrétiens. La confrontation violente entre musulmans et chrétiens, si elle est exceptionnelle aujourd’hui, est une donnée dramatiquement commune sur d’autres continents comme en Afrique ou en Asie. La 14eNuit des témoins, organisée par l’Aide à l’Église en détresse (AED) et qui a eu lieu ce 27 janvier un peu partout en France et en Europe le rappelle avec force : ils sont des millions à être persécutés ou maltraités à cause de leur foi en Jésus Christ. Le christianisme reste aujourd’hui la religion « la plus » persécutée au monde. La « confrontation » avec l’islam n’est pas le seul contexte de cette violence : elle s’exprime aussi sous des régimes politiques marxistes ou d’autres religions comme l’hindouisme par exemple.

Construire un monde plus juste

Faut-il pour autant se poser en victime dans une société où chacun joue désormais cette carte pour justifier sa légitimité ? Qu’il faille aider ceux qui sont les victimes et dénoncer le mal, cela va sans dire. Qu’il faille prier pour que nos frères tiennent bon dans leur attachement à Jésus, c’est la moindre des choses. Et donc ? Il nous faut grandir aussi dans cette ambition d’apporter notre pierre à la construction d’un monde plus juste. Là où nous sommes. Et cette justice-là ne grandira jamais si nous ne sommes pas prêts à sacrifier pour elle un certain nombre de postures et d’attitudes anciennes. Il ne suffit pas de réciter le catéchisme en voyant dans tout homme un prochain et un frère. Il faut chercher à le vivre. Non pour nous donner un genre mais parce que c’est le seul chemin véritable où nous ayons à avancer si nous voulons être fidèles à notre vocation. Nous devons rencontrer, écouter, parler, discuter, dialoguer fraternellement avec ceux qui se présentent à nous différents, dans leurs quêtes religieuses notamment.

Il y a quelques semaines, autour de la crèche, dans le vaste chœur de l’église, un soir d’hiver, les voix s’unissaient en un chant simple et beau : « La première en chemin, joyeuse, tu t’élances… Marche avec nous Marie… » Ils sont là, assis ou debout, silencieux. Nous venons de visiter l’immense bâtiment, du baptistère à l’autel, commentant les scènes sculptées, peintes qui ornent les murs, contemplant les vitraux. Et nous voici au cœur : là plus d’autre parole que la prière. D’abord le texte magnifique du document sur « La fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune » du pape François et du grand imam d’Al-Azhar, lors de la rencontre aux Émirats Arabes-Unis en 2019. Au nom des musulmans d’Orient et d’Occident, au nom des catholiques d’Orient et d’Occident, le texte se conclut sur un appel à ce que le message qu’il cherche à transmettre soit un objet d’études et de recherches dans toutes les écoles, les universités, les instituts d’éducation et de formation… 

Découvrir qui est l’autre

En lisant le texte à haute voix, je regarde les visages de ceux qui sont là, hommes et femmes, disciples de Jésus, ou disciples de Mahomet. Les visages sont paisibles, concentrés, priants. En poursuivant la rencontre, dans la salle paroissiale, autour d’un bol de soupe, une question jaillit à notre encontre : « Croyez-vous-en un Dieu unique ? — Oui. — Mais alors, les saints, ce ne sont pas des divinités ? — Ce sont des exemples, des sources d’inspiration, mais non, en aucun cas, des idoles ou des petits dieux ! » La discussion se poursuit, de groupe en groupe sur la prière, sur les rites, sur la foi, sur Dieu… Il ne s’agit pas de jouer à la comparaison mais simplement de découvrir qui est l’autre, quelle est sa foi, comment il s’appuie sur elle pour avancer dans sa vie…

La rencontre… quoi de plus important que de la vivre et de la susciter ? Une rencontre qui n’a pas pour vocation de convaincre l’autre de ses erreurs, mais bien plutôt de désirer mieux comprendre qui il est et de se laisser bouleverser par cette découverte. « Qui es-tu ? », « que cherches-tu ? », « que veux-tu vivre ? » : il n’y a pas d’autres questions qui importent si nous voulons bâtir un monde selon le cœur de Dieu. La rencontre entre l’expression des espoirs d’autrui et de mes propres désirs provoque une résonance. Et c’est cette résonance là qu’on appelle l’Espérance.

Le visage de Marie

Je n’avais jamais mesuré jusqu’à ce soir-là combien le visage de Marie rassure et rassemble. Il apaise les inquiétudes du musulman qui comprend qu’on ne lui tient pas un discours prosélyte. Il apaise l’angoisse du chrétien de ne pas être compris. On peut parler de Marie, du chemin où elle marche avec nous, avec élan, joie et confiance. La jeune juive de l’Évangile nous conduit dans la joie de nous reconnaître croyants au cœur d’une société qui se déclare sans religion. 

À l’attaque de quelques fanatiques, terroristes et fous, il n’y a pas d’autre réponse, pour les croyants que nous sommes, que l’obligation du dialogue et l’urgence de la rencontre.

Cette rencontre qui était la réponse à une invitation lancée quelques mois plus tôt aux baptisés que nous sommes de visiter la mosquée, pourra peut-être sembler naïve, elle risque sans doute d’énerver ou de choquer, comme si rencontrer l’autre faisait courir un risque. Comme si notre foi était trop faible pour résister à l’influence extérieure et surtout, comme si cette foi nous conduisait au repli et à la défiance. Au contraire, elle se nourrit et grandit lorsque nous reconnaissons l’autre comme un frère que Dieu nous envoie. À l’attaque de quelques fanatiques, terroristes et fous, il n’y a pas d’autre réponse, pour les croyants que nous sommes, que l’obligation du dialogue et l’urgence de la rencontre. Ou alors nous trahissons et le Christ et l’Évangile et donnons au monde, non le témoignage de notre foi mais de notre incroyance.

Tags:
dialogue interreligieuxTerrorisme
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