Se soumettre, voilà un verbe bien blâmé aujourd’hui. “Ni Dieu, ni maître” est la devise anarchiste qui repousse parfois au fond de notre cœur. Se mettre en état de dépendance, d’un mal ou d’un bien, obéir aveuglément à une loi, vivre une trop grande sujétion ou docilité, s’opposent tellement à notre idée de la liberté : pouvoir faire ce que l’on veut et non vouloir ce que l’on doit. Se soumettre comporte un mélange de confiance, si c’est pour un bien, ou de peur si c’est pour un mal, d’acceptation et d’appréhension, entre passif et actif. A quoi, à qui, se soumet-on ? La question est plutôt : cela nous fait-il grandir ou nous abîme-t-il ?
Paul, fin connaisseur de l’âme humaine, recommande : “Soyez soumis les uns aux autres” (Ep 5, 21), femmes aux maris dans le service, et maris aux épouses dans le sacrifice, comme le Christ s’est soumis en tout ! Ambiguïté difficile à comprendre pour l’homme moderne : l’homme n’est jamais aussi heureux que libre, parce que soumis à Dieu. Soumis à Dieu pour ne connaître plus de maître, disait Claudel.
C’est bien la conscience de nos limites, la lucidité sur nos faiblesses, qui fait l’humus de notre vérité ! Surtout pas dans le mépris de soi, la mauvaise conscience, le manque d’espérance. L’homme aura toujours un désir d’élévation, qui lui vient de son origine divine ; élévation à gouverner non par sa raison orgueilleuse, mais par un appétit intelligent et modéré, dit saint Thomas d’Aquin.
Contraire à la dignité pour Kant ou Nietzsche, l’humilité se forge dans les humiliations, disait Bernadette à Nevers. Et Augustin était persuadé que “là où est l’humilité, là est l’amour”. “Je suis doux et humble de cœur” (Mt 11, 29), avoue Jésus, seules de ses vertus qu’il nous dévoile comme des clés du bonheur. Soumets-toi, mais dans l’humilité des héros, ou des saints, ce sont les mêmes !