Vieux Mossoul, plaine de Ninive. Depuis quelques heures en ce mardi 7 mars, le carillon du couvent Notre-Dame de l’Heure résonne dans les ruelles de la métropole nord irakienne. L’inauguration des cloches et de l’horloge de l’édifice chrétien, en présence du ministre de la Culture irakien, de la Directrice générale de l’Unesco et des frères dominicains, est une étape des plus symboliques. Avant la guerre, le clocher du couvent associait chaque jour son tintement au chant de la mosquée al-Nouri, à quelques centaines de mètres. Puis, ses cloches ont été enlevées, et son emblématique horloge détruite. Pendant sept ans, le clocher s’est tu. Mossoul, proclamée un temps capitale de l’État islamique entre 2014 et 2017, Mossoul ravagée de l’intérieur et réduite au silence, a enfin retrouvé ce 7 mars une partie de son âme volée.
Un emblème spirituel et culturel de Mossoul
Certains parlent de résurrection, d’autres de renaissance. Chacun, Mossouliote chrétien comme musulman, espère que Notre-Dame de l’Heure redevienne ce pôle culturel et spirituel qui pendant longtemps rayonnait à travers le pays. Le couvent latin, dédié à la Vierge Marie, a ouvert canoniquement ses portes en 1850, avec l’envoi en mission par la Province de France de frères dominicains. Havre de prière et de rencontre entre les habitants, lieu d’éducation et d’accompagnement des événements du monde, c’est entre ces murs que l’on a abrité la première imprimerie de Mésopotamie. C’est encore à Notre-Dame de l’Heure que l’Irak a accueilli son tout premier clocher, en 1880, financé par le gouvernement français. “Ce couvent est un lieu très marquant pour les habitants ; il a une clôture d’un côté et une partie plus ouverte avec la cour et l’église de l’autre. C’est un carrefour de la vieille ville, entre les sociétés et les religions”, estime le frère dominicain Olivier Poquillon, présent sur place.
Si le centre historique de Mossoul a été détruit à plus de 80% lors de l’occupation de l’État islamique, le couvent a fait figure d’exception. L’édifice a un temps été utilisé comme quartier général de l’organisation, servant tour à tour de tribunal, de prison et de centre de formation. Après la libération de la ville, en juillet 2017, les dégâts de la nef, du réfectoire, ou encore du clocher étaient trop importants pour que les dominicains s’y réinstallent. S’est alors ouverte une lente et longue phase de reconstruction. “Nous sommes aujourd’hui dans la poursuite de l’histoire”, estime le frère Olivier Poquillon.
Une reconstruction portée par l’Unesco
Dans la métropole irakienne, l’Unesco mène depuis 2019 un projet de rénovation d’ampleur, “Reconstruire l’esprit de Mossoul”, soutenu financièrement par les Émirats arabes unis et l’Union européenne. “Pour Audrey Azoulay (directrice générale de L’Unesco ndlt), la reconstruction de l’Irak devait passer par la dimension humaine”, se souvient Matthieu Lamarre, responsable communication à l’Unesco. L’organisation concentre alors tous ses efforts sur “un site symbolique fort de la diversité irakienne et du dialogue entre cultures et religions” : le vieux Mossoul. L’énorme chantier de 105 millions de dollars – le plus grand jamais initié par l’Unesco –, qui fait intervenir plusieurs centaines d’acteurs de nationalités différentes, englobe également la cathédrale syriaque catholique Al-Tahira et la mosquée al-Nouri.
Reconstruire la confiance
La rénovation de Notre-Dame de l’Heure doit s’achever en septembre 2023. La reconstruction de la confiance des Mossouliotes, meurtris par vingt années de violences et de conflit, risque de demander davantage de temps. Dans un pays où 40% de la population a moins de 14 ans, l’enjeu d’éducation à la paix et au vivre-ensemble à Mossoul est l’une des priorités à venir des Dominicains. “Extérieurement, Notre-Dame de l’Heure a déjà retrouvé son faste. Mais intérieurement, tout reste à faire”, appuie frère Olivier Poquillon. “Notre objectif est que le couvent redevienne aussi un lieu de prière et de rencontre pour nos plus jeunes voisins musulmans, qui n’ont pas eu l’occasion de rencontrer des chrétiens, contrairement à leurs parents ou grands-parents”, informe le religieux. “La ville a vécu les affres de la traversée du désert… Nous espérons pouvoir enfin voir la lumière de Pâques !”