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Loi Taubira : dix ans après, François Hollande préfère toujours la division

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TMC

Louis Daufresne - publié le 30/03/23

Les dix ans de la loi Taubira sont aussi les dix ans de La Manif pour tous, dont l’ancien président de la République François Hollande ne résiste pas à se moquer. Le chroniqueur Louis Daufresne voit dans cette préférence obstinée pour l’extrémisme sociétal un mépris du social.

À silhouette débonnaire, verbe affilé. On peut être rond et tranchant à la fois. L’un peut même compenser l’autre. François Hollande le prouve — qui sait se montrer moqueur. Comme si la dent de la Rancune dominait Tulle, alors qu’elle s’élève dans le cratère du Sancy. Corrèze ou Puy-de-Dôme, c’est toujours le centre de la France, me direz-vous. Subsiste-t-il encore là-bas une certaine rouerie paysanne ? Les attaches familiales de François Hollande sont plutôt normandes et nordistes, mais passons. L’ancien président de la République parlait donc à la télé. Pas comme Emmanuel Macron, engoncé dans de longues allocutions. Non, par petites touches, sur le mode de la confidence, en costard mais sur fond noir, niché dans un clair-obscur soigné.

François Hollande était interrogé dans ces émissions de TMC (groupe TF1) où sévit encore l’esprit Canal, le vrai, celui d’avant Vincent Bolloré, où la ligne consiste à ricaner de tout ce qui n’est pas décadent. Sur des plateaux comme celui de Quotidien, le public applaudit tout le temps et à peu près n’importe quoi. Ne nous y trompons pas : la coolitude est un suppositoire à messages — qui fait s’écouler dans les oreilles assoupies le flux continu d’un militantisme à sens unique. 

Dans le même esprit mais sur un mode documentaire, 21H Media fêtait le 21 mars les 10 ans du “mariage pour tous”. On y voit défiler un chapelet de portraits dont les plus iconiques sont ceux de la polémiste Caroline Fourest, de l’ex-ministre gay UMP Franck Riester et de Louise Fasso-Monaldi, « fille de deux mères ». Une seule litanie passe en boucle au fil de cette procession au ton un rien pleurnicheur et dont les ressorts sont toujours victimaires. Les uns et les autres s’étonnent que la loi Taubira ait rencontré une pareille hostilité. Comment des gens, en particulier des jeunes, peuvent-ils manifester, non pour défendre leurs droits, mais pour que d’autres n’aient pas les mêmes droits qu’eux ? Cette question subjugue encore dix ans plus tard. François Hollande en fait partie. L’ancien locataire de l’Élysée fait alors un tacle inamical, à propos de La Manif pour tous : “Quand il s’agit d’une manifestation contre les droits ou les libertés, pourquoi mettre des enfants dans un combat qui n’est pas le leur ? Et peut-être qu’un jour ces enfants voudront se marier avec des personnes de même sexe. Donc je trouvais que c’était faire un choix à leur place.” La chute fleure ses souvenirs de sacristie : “Mais puisque ce sont souvent des associations religieuses qui les ont emmenés, il faut pardonner, y compris à ceux qui nous ont offensés.”

Les premiers stades de l’éducation

Faisons l’exégèse de ce verset hollandiste : cette manifestation s’opposait-elle aux droits et aux libertés ? Non, puisqu’elle se référait à la loi, afin qu’elle ne fût pas travestie, que la règle du jeu ne changeât point sous la pression d’affects minoritaires. Même s’ils n’en avaient pas conscience, ce combat était celui des enfants, plus que des parents, élevés dans le modèle de filiation catholico-républicain. Dire que ces enfants voudraient un jour se marier avec des personnes de même sexe relève à la fois du vœu et de l’hypothèse, comme si l’ancien président se félicitait du trouble identitaire et s’amusait du nomadisme sexuel qu’il pouvait engendrer, sans mesurer dans quel désarroi les parents, même les moins bigots, peuvent se retrouver quand leur enfant s’engage dans ce genre de relation. Que ceux-ci fassent des choix à la place de leurs enfants est le propre même des premiers stades de l’éducation. À ce compte-là, les jeunes n’iraient jamais à l’école, n’apprendraient ni à lire ni à écrire, sous prétexte qu’il ne faut surtout pas choisir à leur place. Ce genre d’ineptie, chez un personnage arrivé au sommet de l’État, laisse tout à fait perplexe, d’autant qu’elle est contredite par son propre parcours (Sciences-Po, HEC, ENA) dont chacun sait qu’il résulte le plus souvent de l’exigence à laquelle la famille sacrifie.

Les repères de tous

Passons à la chute : François Hollande préfère parler d’associations religieuses, sans désigner l’Église catholique. Cette qualification est juste mais ressemble à une petite dérobade. Pourquoi ne prend-il pas de front l’institution ? Peut-être pour la diviser en relativisant ses injonctions, en attribuant la mobilisation à des réseaux plus qu’à une hiérarchie. Peut-être aussi pour ne pas lui faire l’honneur de la nommer. La dernière phrase, parodie du Notre Père, se délecte d’une ironie un peu vile. Que signifie son pardon, y croit-il seulement, et de quelle offense parle-t-il ? Hollande ne fut pas la seule risée des cathos de droite. Tout au long de sa mandature, des voix de tous bords doutèrent de son aptitude à habiter la fonction présidentielle. Cela dit, il a raison sur deux points : le premier, c’est que sans un profil comme le sien, issu du PS, le peuple de droite ne se serait pas engouffré dans La Manif pour tous, laquelle n’aurait jamais émergé sous Nicolas Sarkozy (ni même sans doute Emmanuel Macron). 

Le second point, c’est que, contrairement aux rassemblements en faveur de l’école libre (1984), La Manif pour tous sortait de la rhétorique sur le manque de moyens propre au discours syndical. Pour une fois, une mobilisation raisonnait à l’échelle de tout le monde, toutes générations confondues. Il s’agissait de compter ceux qui voulaient encore faire société et, ne nous le cachons pas, d’exclure ceux qui désiraient en changer la norme à leur seul profit. L’activisme de quelques-uns ne devait pas changer les repères de tous. Le social défendait ses acquis contre le sociétal, terrain de jeu de l’extrémisme de gauche. En toute logique, le PS, fût-il resté un parti de gouvernement, aurait dû prendre fait et cause pour le social, c’est-à-dire le peuple. François Hollande fit un autre choix, celui de cliver l’opinion, de se grandir grâce à l’opposition qu’il suscita. En clair, de s’offrir une partie du bon peuple sur l’autel de sa petite gloire. Qu’il en jouisse encore est navrant et qu’il s’estime offensé l’est encore plus.

Tags:
HomosexualitéMariage
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