C’est au pied de la Croix que se concentre toute la colère du monde : celle de Satan, les colères de nos adversaires mais aussi les nôtres, qui nous prennent si souvent contre des personnes et des situations injustes. Cette émotion si courante se fonde bien souvent sur une injustice ressentie, avérée ou imaginée. Le Juste attire toute cette colère sur Lui pour la dissoudre dans son offrande d’amour. Dans le silence obéissant de Jésus, nous avons cru, à une époque, discerner la sainte Colère de Dieu, Dies Irae, parce que Dieu ne supporte pas cette blessure que le mal nous fait depuis le jardin d’Eden. Mais sa colère n’est pas violence ni désobligeance, elle est force de compassion et rédemption active.
Pour nous “cette boursoufflure du cœur, accompagnée souvent d’appétit de vengeance”, comme le dit saint François de Sales, se fait-elle toujours contre le mal, celui qui nous dévore trop souvent ? Elle est péché capital chez nous car elle entraîne tant de défaillances : ressentiments, fureur, brutalité, agressivité, insultes, tournées contre nous-mêmes ou vers les autres. Et si elle se retourne contre Dieu, nous en faisons un pis-aller et un “souffre-douleur”, c’est le cas de le dire un Vendredi saint, alors qu’il est toujours innocent du mal.
Au lieu de se rebeller contre ce qui ne va pas et de vouloir faire à tout prix ce que l’on veut, se soumettre aux évènements, se taire devant l’insulte, laisser le bien triompher sur le mal à son heure, constituent les prémisses de l’obéissance. “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes” (Ac 5, 29). En réglant le désordre au milieu de nous et l’égoïsme dans notre cœur, l’obéissance est un principe de justice, justement, pour contrecarrer ce que nous percevons comme injustice et qui engendre notre colère. Elle fait assez de dégâts entre nous, dans nos couples et nos familles, pour que l’obéissance des uns envers les autres, la soumission réciproque et la correction fraternelle, fassent grandir la paix. “Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une Croix” (Ph 2, 8) pour obtenir une telle libération de toute forme de colère.