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Notre-Dame, au-dessus des laideurs du monde présent

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© Patrick Zachmann – Magnum Photos

Les voûtes de la nef peu à peu déchafaudées. Elles s'offrent au regard depuis le sol, pour la première fois depuis plus de deux ans.

Louis Daufresne - publié le 14/04/23

Quatre ans après l’incendie, Notre-Dame va retrouver sa flèche. Tandis que la cathédrale écrase toujours de sa majesté ceux qui se jouent de son symbole, l’enjeu de sa reconstruction demeure, estime notre chroniqueur : sortir des bassesses du monde présent en la rendant encore plus belle.

À l’Élysée, la com’ se veut subliminale. « Tenir le cap, c’est ma devise », s’est écrié Emmanuel Macron en visitant ce vendredi matin le chantier de Notre-Dame. Cette petite phrase, lâchée quatre ans après l’incendie, l’est surtout en plein brasier social. Le chef de l’État n’attend pas que la flèche s’élève dans le ciel de Paris pour décocher la sienne et renseigner sur son état d’esprit les sages du Conseil constitutionnel, quelques heures avant qu’ils examinent son texte sur les retraites. La préméditation est trop évidente. Cette manière de faire du 2 en 1 est gênante. Le pouvoir se joue de la signification du lieu pour en détourner à son profit la solennité et la puissance. Car cette phrase ambivalente revient à faire d’une cathédrale éternelle le décor d’une théâtralité politique ponctuelle. L’édifice, symbole magnifique d’unité, devient à son corps défendant l’instrument de la division. Quand une gouvernance est à ce point contestée, on s’abstient d’en importer les éléments de langage dans un sanctuaire où rien n’invite à la bassesse du jeu politique. 

Les beautés du passé et les laideurs du présent

Tout chef d’État devrait s’abstenir de propos à double sens. « Tenir le cap » signifie qu’il ne lâchera rien sur les retraites. Quand Emmanuel Macron dit aux travailleurs installés sur le « tabouret » de la flèche : « Bon courage et on ne lâche rien pour les mois à venir », on ne sait pas quoi penser. Leur parlait-il vraiment ou s’adressait-il à lui-même et, en même temps aux médias chargés de capter le message ? Les deux voire les trois, mon général Georgelin ! La Rochefoucauld écrit que « les grands noms, au lieu d’élever, abaissent ceux qui ne savent pas les soutenir ». La remarque vaut pour les monuments. Les grands lieux abaissent ceux qui n’en sont pas dignes. C’est flagrant pour les quidams déambulant dans Notre-Dame et dont la mocheté vestimentaire et l’attitude disgracieuse sont soulignées par la noblesse de l’architecture. 

L’effet de contraste est un élément stupéfiant et pénible de notre époque, tant est grand le décalage entre les beautés du passé et les laideurs du présent. Quand on y réfléchit, notre culte de l’ancien, de ce qui était et doit demeurer, a quelque chose d’absurde. Naguère, on rasait sans scrupule telle église romane pour y bâtir une plus grande encore, gothique. La question patrimoniale ne se posait pas, nul ne doutant que l’on ferait toujours plus beau, plus majestueux encore, même si le roman a des charmes au moins équivalents à ceux du gothique. Soyons offensants : on devrait pouvoir démolir Notre-Dame de Paris, convaincus que nous serions d’y reconstruire une église tout aussi superbe, voire davantage, si cela était possible, bien sûr.

La flèche et le mobilier

Pourquoi aller sur ce terrain ? C’est qu’après avoir sauvé la cathédrale, il s’agit maintenant d’en magnifier le sens et d’en réguler l’usage pour des publics différents, fidèles et touristes. Avant l’incendie, la cohabitation n’était pas satisfaisante, pas plus que l’éclairage et le son, deux éléments primordiaux. Cette année n’est pas uniquement celle où les Parisiens retrouveront leur flèche, reconstruite à l’identique de la précédente — en chêne, pierre et plomb —, culminant à 96 mètres de hauteur.

Cette année est aussi celle où, pour un budget de 6 millions d’euros, le diocèse va devoir choisir le mobilier liturgique (autel, ambon, baptistère, cathèdre, tabernacle) sans oublier les chaises, incluses dans l’enveloppe. Fin avril aura lieu la présentation des projets à un conseil artistique composé de représentants du diocèse, de la direction générale du patrimoine et de la direction artistique et de l’établissement public. Les présélectionnés sont quatre designers français (mais sans expérience du mobilier liturgique) et un sculpteur, Nicolas Alquin, connu pour ses créations, notamment dans le diocèse de Lille, d’où vient Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris. 

« Tenir le cap »

Les artistes doivent rendre leur projet le 23 mai. « Durant ce processus de création, nous les voyons trois fois dans le cadre d’un comité d’accompagnement afin qu’ils puissent, pendant deux heures et de manière individuelle, nous interroger ou nous présenter un certain nombre de choses », indique le recteur, Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, interviewé dans le journal de l’Église catholique à Paris. Mgr Laurent Ulrich en personne tient à ce que chaque objet s’intègre dans une histoire vieille de 850 ans. Une date clé sera celle du 13 juillet, lorsque la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) se réunira sur le projet proposé par le diocèse. C’est un « chantier passionnant, et donc passionnel », confie Mgr Olivier Ribadeau-Dumas. On le suivra avec d’autant plus d’intérêt. Et tenir le cap sera notre devise.

Le chantier de restauration de Notre-Dame quatre ans après l’incendie

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Emmanuel MacronNotre-Dame de ParisParisPatrimoine
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