Décidément, les grandes occasions diplomatiques viennent toutes buter sur les réalités sociales du pays. En mars dernier, Charles III devait effectuer sa première visite diplomatique de roi en France, visite annulée à cause des mouvements de grève contre les retraites. En ce début de juillet, Emmanuel Macron devait effectuer une visite d’État de trois jours en Allemagne, pour resserrer des liens distendus, visite annulée en raison des émeutes. Deux arrêts diplomatiques qui nuisent à l’image internationale de la France et qui dégradent sa position sur la scène européenne.
Le poids du tourisme
Première destination touristique mondiale, la France est moins dépendante que ses voisins du sud à cette activité économique du fait de la variété de son tissu industriel. Il n’empêche que le tourisme fait vivre de nombreux secteurs, crée un grand nombre d’emplois et contribue à valoriser la “marque France” à l’étranger. Le tourisme représente près de 1,5 million d’emplois directs. À quoi il faut ajouter de nombreux emplois indirects qui sont liés à cette activité : une partie non négligeable de l’agriculture, pour la vente de l’alimentation, le secteur culturel, pour l’organisation des festivals, les supports logistiques et techniques. Les trois régions où l’activité touristique est la plus importante sont l’Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Côte d’Azur et parmi les sites les plus visités figurent Disneyland Paris, le Louvre, la tour Eiffel et Versailles. Des sites où la population étrangère est majoritaire, venant surtout d’Europe (notamment d’Europe du Nord).
Même si les émeutes sont très localisées dans l’espace et dans le temps, elles engendrent peurs et craintes à l’étranger au moment où s’ouvre la saison touristique. Jean-François Rial, directeur de l’Office de tourisme de Paris, annonce ainsi dans Le Point entre 20% et 25% d’annulation à Paris pour début juillet, dont 15% d’annulation parmi les touristes américains.
La sécurité des festivals
Autre enjeu territorial, celui des festivals. Tradition culturelle française, les festivals culturels parcourent toutes les régions et tout l’été, qu’ils soient consacrés au théâtre, à la musique, au cinéma. Si la plupart ont une renommée locale ou régionale, un grand nombre ont aussi une portée internationale, contribuant à la puissance culturelle de la France. Festival de théâtre d’Avignon, chorégies d’Orange, Jazz in Marciac, Vieilles Charrues de Carhaix, une grande diversité de culture et de style qui font venir artistes et amateurs étrangers, donnant une image diversifiée et riche du pays. Or un problème technique va rapidement se poser pour ces festivals, déjà évoqué au ministère de l’Intérieur, celui de leur sécurité. Compte tenu de la très forte mobilisation des policiers durant les journées d’émeute, l’Intérieur va manquer d’effectifs à disposer dans ces festivals, les policiers engagés ayant droit à des jours de repos de récupération. L’annulation de plusieurs festivals a déjà été annoncée, sans qu’une liste précise n’ait été établie.
Chez les partenaires internationaux et dans les instances sportives mondiales, le doute s’installe quant à la capacité de la France à organiser les grands événements sportifs dont elle à la charge.
Le même problème va se poser en 2024 : depuis plusieurs mois déjà, le ministère de la Culture a évoqué le fait que, compte tenu de la mobilisation des forces de l’ordre pour sécuriser les Jeux Olympiques, plusieurs festivals devront être annulés en raison de l’absence de policiers. Une annonce qui avait provoqué un grand mécontentement, d’autant plus que beaucoup de festivals n’ont pas pu se tenir normalement entre 2020 et 2022 en raison des confinements. Là aussi, c’est une part de la puissance économique et culturelle qui est affaiblie. Et un dynamisme régional qui est fragilisé.
Fiabilité mondiale ?
Chez les partenaires internationaux et dans les instances sportives mondiales, le doute s’installe quant à la capacité de la France à organiser les grands événements sportifs dont elle à la charge. Les violences de mai 2022 lors de la finale de la Ligue des Champions au stade de France ont déjà suscité une grande inquiétude au niveau européen. La coupe du monde de rugby, qui se tiendra en septembre et octobre, sera scrutée de près, tout le monde ayant en tête les Jeux olympiques de l’été 2024. À Aubervilliers, des installations des futurs JO, en cours de construction, ont été incendiées et détruites. La fragilité des transports en commun, qui cumulent grèves, problèmes techniques et difficultés de recrutement, interroge aussi sur la capacité de la RATP à être à la hauteur des événements.
Bonne nouvelle des coïncidences, le Tour de France 2023 est parti d’Espagne (Pays basque) pour trois étapes hors de France. Ce sont autant de policiers français qui n’ont pas eu à être mobilisés pour assurer la protection de l’épreuve et qui ont donc pu être déployés sur les émeutes. La bonne tenue de l’événement, l’une des courses sportives les plus regardées au monde, sera un crash test quant aux capacités de la France à tenir son rang mondial en matière d’organisation de rencontres sportives internationales.
Si les épreuves sportives mondiales et les grands festivals contribuent à donner une image positive et dynamique des pays où ils se déroulent, des incidents majeurs et des échecs sécuritaires ternissent l’image des pays pour des décennies. Si l’on se souvient des JO de Munich (1972), c’est en raison de la prise d’otage qui s’y est déroulée. L’exposition médiatique mondiale attire les terroristes et les militants politiques qui savent pouvoir trouver dans ces événements un écho accru à leur cause. Là réside un enjeu majeur pour la France dans les douze mois qui viennent : faire taire les doutes quant à ses capacités organisationnelles et sécuritaires et donner la preuve qu’elle est capable d’accueillir des compétitions d’envergure, sans drame humain et sans émeute.