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Ce relativisme absolu qui veut imposer l’euthanasie

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Louis Daufresne - publié le 07/07/23

Sourd à la multiplication des critiques qui s’expriment contre l’euthanasie, le gouvernement annonce pour septembre un projet de loi pour autoriser l'aide active à mourir, au nom de la liberté de choisir. Mais l’absolu de la vie, reconnu par les catholiques, et l’absolu du libre choix de se suicider peuvent-ils coexister sous l’étendard du relativisme ? Pas sûr, estime notre chroniqueur, dès lors que le relativisme est lui-même un absolu qui encourage l’égoïsme et l’abandon des plus faibles.

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Dans le pseudo-débat sur l’euthanasie, le philosophe Raphaël Enthoven me dit qu’il ne rencontre que des cathos parmi les opposants. Comme la Légion à Camerone, cette minorité visible livrerait sa dernière bataille, laquelle est perdue d’avance, forcément. C’est beau, c’est héroïque ; en langue aristocratique, cela s’appelle l’honneur. Plutôt mourir que trahir. 

Le relativisme est un absolu

En un demi-siècle, l’Église aura perdu tous ses combats sociétaux : l’avortement, le divorce, la pilule, la crémation et maintenant l’euthanasie l’auront expulsée du champ de l’intime, d’une extrémité à l’autre de l’existence. En un demi-siècle, la société aura méthodiquement organisé sa sortie de la religion, j’entends de la discipline que commandait le catholicisme, sa matrice historique. Le plaisir succéda au devoir. Depuis lors, toute référence morale est vue comme un frein répressif, tout jugement de valeur exprime une attitude rigide ; toute certitude est perçue comme une source d’abus et d’emprise. Benoît XVI parla de la « dictature du relativisme« . Il s’agit d’un oxymore. Comment ce qui est relatif pourrait-il être dictatorial ? Le relativisme, s’il existait, devrait s’accommoder de ce qui est absolu, en rire même. Or il en est l’envers. Le relativisme est un absolu qui s’ignore ou fait semblant. C’est une croyance comme une autre — qui s’absolutise quand la foi l’enflamme. Le relativisme n’existe pas. Il n’y a que des absolus qui rivalisent, gagnent ou perdent du terrain. Tout dépend du zèle de leurs adeptes. La coexistence pacifique de croyances se jugeant relatives est une vue de l’esprit.

Scandale pour les athées

Aujourd’hui, les partisans de l’euthanasie s’estiment lésés et dominés par l’absolutisme de la culture catholique — qu’ils veulent expurger de la loi. Pour y parvenir, ils adoptent une posture victimaire et se font les promoteurs du pluralisme. Voici ce que m’écrit l’un d’eux avec lequel j’échange en ce moment :

Nos opinions et nos croyances, notre philosophie de vie divergent absolument. En État laïque, vos croyances ne sont pas meilleures que les miennes, pas plus que l’inverse ; elles sont juste différentes et tout autant dignes de respect. Je ne vois pas pourquoi nous aurions une obligation de vivre qui seule justifierait qu’on empêche quelqu’un de se suicider, surtout quand il s’agit d’une personne arrivée au terme de son chemin de vie. […] Oui je suis athée et heureux de l’être. Pour moi pas de vie après la mort. Chacun ses croyances. Je respecte les vôtres, les croyants refusent le suicide et c’est leur droit. Nul ne les obligera jamais à choisir une mort dont ils ne veulent pas. Aucun pays ayant légalisé l’aide active à mourir n’oblige quiconque à se suicider. Mais je voudrais que les lois de notre République laïque m’accordent autant de respect qu’à vous croyants, ce qui n’est pas le cas de la loi actuelle qui encourage les prolongations de vie, donnent aux médecins le pouvoir sur nos vies, ce qui est scandaleux pour moi. Ma vie, mon corps m’appartiennent. Aucun médecin ne devrait pouvoir me contraindre à la survie.

Et d’ajouter :

Vous pourrez vivre vos souffrances aussi longtemps que vous le voudrez, prolonger votre vie autant que vous le voudrez (sauf obstination déraisonnable) vous irez au paradis. Et moi je dois pouvoir les faire cesser sans être contraint à un suicide violent pour mes proches et caché parce que l’accompagnement est interdit ; donc je dois pouvoir être aidé par un médecin si nécessaire pour une mort rapide et douce. Je crois qu’après ma mort je redeviendrai poussière et rapidement avec la crémation que j’ai prévue.

Un mal plus profond

En résumé, pour mon interlocuteur, il n’est pas normal que les catholiques imposent toujours leur croyance, la loi n’étant jamais que l’expression de celle qui domine encore. Deux philosophies « qui divergent absolument » — et dont l’une est en train de chasser l’autre — peuvent-elles coexister sous l’étendard du relativisme ? L’idée est tentante : si le libre choix commande le libre-service, nul ne sera forcé à agir contre son gré et tout le monde sera respecté dans ses choix, susurre-t-on à nos oreilles. Je demande à voir, ayant dit plus haut que le relativisme n’existait pas. Je ne peux pas, en vertu d’une éthique libérale, considérer que l’acte ne concerne que le requérant puisque, via la loi, toute la société y sera associée et tenue d’y adhérer. C’est la même chose pour l’avortement. Même si on n’adhère pas à cette politique, le principe d’universalité budgétaire (qui postule la non-affectation de l’impôt) rend chacun solidaire du programme qu’elle exécute.

Sans l’absolu de Dieu, y a-t-il un absolu de la vie ?

La volonté de se suicider me semble corrélé à un mal plus profond, lequel est encouragé par un système de représentation sociale ne valorisant que les personnes bien portantes, consuméristes et productives. On peut aussi l’attribuer à l’irréligion qui ne relie les épreuves endurées ici-bas à aucune perspective salvifique. On peut aussi l’indexer à nos modes de vie irrigué par l’égoïsme, source de tant de dislocations familiales et de malheurs silencieusement vécus. La dévalorisation du devoir dont je parlais fait que des personnes âgées sont condamnées par les leurs à une forme de réclusion qui les fait dépérir. En somme, c’est l’absence de relation qui pousse au suicide et mis à part quelques tempéraments doués pour la solitude, si nul ne vous retient (à tous les sens du terme), il y a effectivement une raison de dire « stop, ça suffit ». Sous ce jour-là, pourquoi ne pas vouloir une loi qui laisse chacun libre de choisir ce qu’il souhaite pour sa fin de vie ? Si on s’y refuse, c’est que notre croyance nous bloque.

L’absolu de la vie

On me dira qu’il n’y a pas que les cathos pour s’opposer à l’euthanasie, contrairement à ce que dit Enthoven. Tous les soignants mobilisés se révoltent contre l’obligation qui leur sera faite de tuer un patient qui le demande. Ce mouvement de recul s’enracine dans une éthique qui fait de l’interdit de tuer un absolu, un point non-négociable, pour parler comme Benoît XVI. Sans l’absolu de Dieu, y a-t-il un absolu de la vie ? Qu’on aille à la messe ou pas, on peut se poser la question.

Tags:
EuthanasieFin de vieliberté
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