Le pape François, fidèle à sa prolixité coutumière et à sa liberté de ton plus grande que jamais, a donné une interview intéressante le 4 août dernier à un journal catholique espagnol. Il convient en effet d’y revenir, car elle livre son exégèse personnelle du synode romain des évêques pour une Église synodale, dont la première session va s’ouvrir en octobre prochain. On sait qu’il tient à cet événement ecclésial comme à la prunelle de ses yeux. Il le voit comme une sorte d’acmé de son pontificat et l’ancrage à long terme de l’Église universelle dans le processus qu’il a engagé aussitôt élu sur le siège apostolique : celui du “réformisme missionnaire”.
Continuateur de ses prédécesseurs
Pour autant, expose-t-il dans ce long entretien, ce synode n’est pas une marotte, une “fixette” de son imagination qu’il voudrait imposer aux catholiques, comme d’aucuns d’entre eux, vent debout contre ce qu’ils assimilent à un détricotage de la doctrine, cherchent à le faire accroire. François rafraîchit donc la mémoire déformée ou flageolante de ses coreligionnaires :
Le synode était le rêve de Paul VI. À la fin du concile Vatican II, il s’était rendu compte que l’Église occidentale avait perdu sa dimension synodale. C’est pourquoi, il créa le secrétariat pour le Synode des évêques, pour commencer à la mettre en œuvre.
François s’est toujours présenté comme le continuateur de ses prédécesseurs dont, faut-il le souligner, aucun depuis 1962 n’est sorti du chemin défriché par les Pères conciliaires.
Le Pape dit autre chose d’important dans cette interview :
Dans un synode, le protagoniste c’est l’Esprit saint. Celui qui ne croit pas en Lui et ne prie pas pendant le Synode ne peut aller nulle part. Il arrivera avec une idéologie, une position politique, mais il n’y a rien de vrai sans un climat de prière. C’est pourquoi j’ai insisté pour que, dans la méthode de travail de toutes les sessions de l’assemblée, après toutes les trois interventions, il y ait un moment de prière et de silence, pour méditer.
Pour François, l’Esprit saint n’est pas un “machin” éthéré accessible uniquement à une élite chrétienne éclairée. Non, c’est une expérience spirituelle connectée au réel qui est à la portée de tous les baptisés, pourvu qu’ils ressentent le besoin de prier comme une fringale vitale.
Un événement spirituel
Cette exégèse papale nous rappelle, de manière subliminale, ce que nous oublions trop souvent d’expliquer, en particulier aux générations nouvelles : le concile Vatican II, avant d’être une assemblée délibérative, un lieu de tensions entre progressistes et traditionalistes, a surtout été un événement spirituel. Plus exactement, il a permis à 2.500 évêques issus des cinq continents et qui ne se connaissaient pas, de vivre une intense et féconde expérience d’amitié spirituelle. Ils parlaient des langues différentes. Ils véhiculaient des idées et des expériences diverses, parfois contradictoires. Cela a pu déclencher des discussions et des désaccords entre eux. Nonobstant ces différences et ces différends, ils se sont apprivoisés les uns les autres. Ils ont fait l’enthousiasmante expérience qu’en priant beaucoup ensemble, qu’en se parlant et en s’écoutant beaucoup aussi, ils étaient plus proches les uns des autres qu’ils ne le pensaient. Ils apprirent à faire Église, un peu comme les apôtres réunis avec Marie au Cénacle le jour de la Pentecôte : “Tous furent remplis d’Esprit saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit” (Ac 2, 1-11).
Au concile Vatican II, les évêques s’émerveillèrent ainsi de ce qui leur arrivait : ils parvinrent à adopter toute une batterie d’orientations pastorales à la quasi-unanimité et à la surprise générale. Même le décret, si délicat, sur la réforme liturgique fit l’objet de leur consensus, ou presque ; un résultat dont on aurait tort de minorer le soubassement mystique. C’est cette expérience renouvelée de la Pentecôte que le pape François invite les catholiques à vivre ardemment pendant tout le processus synodal engagé depuis 2021. “Dans un synode, répète-t-il avec insistance, le protagoniste c’est l’Esprit saint. Et si nous lui sommes fidèles, l’Esprit saint nous poussera là où nous ne pouvons même pas imaginer.”