À peine arrivé à Bethsaïde, Jésus fait la rencontre d’un aveugle qui lui est présenté par la foule. Celle-ci ayant eu connaissance de ses grands pouvoirs de guérison lui demande, en effet, de le toucher pour le guérir de son mal. En ces temps reculés, la cécité frappait d’impureté celles et ceux qui en étaient touchés. Marc, dans son évangile, précise que Jésus ne s’exécute cependant pas immédiatement : Il saisit d’abord la main de l’aveugle pour le conduire à l’écart du village, à l’abri des autres et des regards. Le Rédempteur ne cherche pas à se faire valoir par un miracle de plus, mais vise bien le cœur de l’homme, celui dont l’âme est malade.
Curieusement, pour ce miracle, et ainsi que le souligne l’Évangéliste Marc, Jésus ne lui touche pas les yeux mais “Il lui mit de la salive sur les yeux et lui imposa les mains” (Mc 8, 23). L’antiquité rapporte quelques exemples de cette pratique selon laquelle la salive pouvait avoir des actions thérapeutiques. Or, après ce geste, Jésus lui demanda : “Aperçois-tu quelque chose ?”, l’aveugle lui répondit alors : “J’aperçois les gens : ils ressemblent à des arbres que je vois marcher.” L’aveugle de Bethsaïde ne recouvre pas immédiatement la vue intégralement et Jésus devra une seconde fois lui imposer les mains pour qu’il soit totalement guéri.
Un miracle pour retrouver la foi
Nous avons vu qu’au cours de ses nombreux miracles, Jésus encourage les personnes qu’Il rencontre à retrouver la foi. Si Pierre marchant sur les flots commence à s’enfoncer avec la peur de la tempête, c’est la faiblesse de sa foi qui limite sa puissance sur les éléments. Avec l’aveugle de Bethsaïde, c’est également la foi de ce dernier qui se trouve mise à l’épreuve. Il ne va pas de soi de voir parfaitement clair dans le chemin tracé par la Parole et notre cécité nous conduit souvent à ne pas “voir” nettement ce qui devrait pourtant être discerné. Il faut alors la persévérance et l’aide divine pour – comme l’aveugle de Bethsaïde – se mettre à voir distinctement, être guéri et “distinguer tout avec netteté” comme nous y invite la prophétie d’Isaïe dans l’Ancien Testament (Is 35, 4-5) :
Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. Alors se dessilleront les yeux des aveugles…
L’aveugle de Bethsaïde représenté par le baroque italien
Le peintre italien Gioacchino Assereto livre une interprétation inspirée du miracle de la guérison de l’aveugle de Bethsaïde. L’artiste, né à Gênes en 1600, développe son art dans le style baroque de ce XVIIe siècle influencé par le maniérisme lombard et les nouveautés notamment apportées par Le Caravage. Cette œuvre tardive de l’artiste témoigne en effet de ce clair-obscur qui révolutionna la peinture de cette époque avec une représentation des protagonistes particulièrement vivante et dynamique.
Nous sommes loin avec ce tableau d’une position figée et académique des sujets, l’artiste préférant au contraire rendre le dynamisme de l’action pourtant absent du texte de l’évangile. La détermination du geste de la main de Jésus, la stupeur des quelques témoins et le corps de l’aveugle reculant devant la force miraculeuse qui le saisit ajoutent encore à cette dimension propre au caravagisme qui préfère les représentations “vivantes” au classicisme offrant par là même une belle illustration artistique de la puissance de ce miracle.