En octobre 1793 la reine Marie-Antoinette est guillotinée après un simulacre de procès. Historien, grand spécialiste de la Révolution française, Emmanuel de Waresquiel revient sur cet évènement et décrit le courage d'une femme qui tente de résister à l’adversité avec dignité et foi, alors qu’elle se sait condamnée.
Emmanuel de Waresquiel, historien, spécialiste de la Révolution française, de l’Empire et de la Restauration, connu du grand public pour ses éclairages uniques sur Talleyrand, et auteur de « Juger la Reine », vient de publier un livre passionnant qui raconte les Sept joursqui ont bouleversé le cours de l’histoire de France. Pour Aleteia, il revient sur le procès d’une reine. Celui d’une étrangère, d’une femme et d’une mère. Le procès d’une jeune femme de 38 ans qui, pendant les trois derniers jours de sa vie, a impressionné par sa dignité, son courage, son sens politique et aussi une foi en Dieu sans faille. Décryptage.
Aleteia : Il a fallu à la Révolution trois jours et deux nuits, du 14 au 16 octobre 1793, pour juger et guillotiner Marie-Antoinette. Elle était condamnée d’avance. Dans votre ouvrage “Juger la Reine” vous vous êtes penché sur des sources jusqu’alors inédites de son procès. Pourquoi, pour un historien, ce procès est-il aussi important ? Emmanuel de Waresquiel : J’ai essayé de comprendre quels étaient tous les enjeux qui présidaient à l’existence même du procès de Marie-Antoinette. Cette confrontation entre deux mondes : celui de la Révolution d’un côté incarné par les juges et les accusateurs publics, et celui de la contre-Révolution représentée par la reine déchue de l’autre… En fait, ce procès est le seul élément de la Révolution française où l’on trouve ces deux mondes l’un en face de l’autre. C’est un évènement qui en apparence semble être mineur. Mais en réalité, il donne à comprendre beaucoup mieux ce qu’a été la Révolution et ce qu’a été la Terreur. C’est un procès de la Révolution, qui veut à tout prix incarner le principe de l’égalité contre les privilèges, les ordres, la hiérarchie incarnés par la reine, qui veut être le défenseur de la nation contre celle qui est étrangère, dont la coalition étrangère occupe déjà certains territoires français. C’est aussi un procès des hommes contre une femme.
Mais pourquoi au cours de ce procès, cette haine si inouïe envers elle ? Elle remonte à loin, bien avant la Révolution française. Elle remonte au fameux renversement des alliances de 1756, quand la France se tourne vers son ennemi héréditaire qu’était l’Autriche, en se détournant de la Prusse. Alors que la construction monarchique française, celle définie par le fameux pré-carré de Richelieu, s’était toujours reposée sur l’opposition aux Habsbourg. Toutes les guerres françaises, jusqu’à ce renversement, avaient été contre la dynastie Habsbourg, qu’elles soient contre l’Espagne ou contre l’Autriche. Des pamphlets sont alors publiés visant cette décision de Louis XV et de Choiseul. Les élites de l’époque vivent mal ce bouleversement, dont la conséquence dynastique est l’arrivée de Marie-Antoinette, l’archiduchesse Antonia, une des filles de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, âgée alors d’à peine quinze ans. Dauphine, puis reine de France, elle est le garant de la nouvelle alliance. Elle est autrichienne, ce qui est déjà une accusation potentielle et presque une tare !
Marie-Antoinette arrive en France alors qu’elle n’a que quinze ans (…), elle est arrachée à sa famille. Quand elle passe le Rhin, on la fait se déshabiller de ses vêtements pour revêtir ceux de la Cour de France…
Ensuite, l’hostilité va s’enrichir d’un nouveau tort qu’on lui porte, celui de son indépendance envers la cour comme envers le roi à qui elle ne donne pas d’enfant pendant les sept premières années de mariage. Elle est indépendante et libre, elle s’installe au Trianon. Le premier pamphlet contre Marie-Antoinette, qui se sert d’une anecdote à Marly en 1780 n’est que le début d’une longue série où on va lui faire payer cette indépendance en lui prêtant des mœurs légères. Pourtant, son indépendance est toute relative. Mais les codes de la Cour de France était beaucoup plus stricts que ceux de la cour des Habsbourg, plus familiale et moins formelle que Versailles.