Sous un dais tenu par deux anges, assis sur un trône écarlate, les pieds posés sur un coussin, saint Thomas est valorisé comme le serait un roi. N’est-ce pas exagéré ? Non, si l’on en croit Guillaume de Tocco, son premier biographe. Les nombreuses anecdotes qu’il relate attestent la pratique, par le dominicain, de TOUTES les vertus.
Réalisé en 1648 par Antoine Nicolas (la date est légèrement effacée), le tableau Saint Thomas, fontaine de sagesse vient illustrer combien l’enseignement du Docteur angélique “aura permis aux pères conciliaires (Concile de Trente) d’offrir à l’Eglise une mutation assurée, ancrée sur des bases héritées des projections philosophiques de saint Thomas d’Aquin alliant foi et raison”, lit-on dans la catalogue de l’exposition Saint Thomas d’Aquin, une sagesse offerte à tous.
Son activité allie la sagesse humaine à celle venant de Dieu
“Toute sa vie, saint Thomas d’Aquin a voulu répondre à la question Qu’est-ce que Dieu ?”, indique Claire Rousseau, commissaire de l’exposition. Face à la grandeur d’un tel mystère, le saint n’a pu achever la troisième partie de sa Somme de théologie.
Le soleil de la sagesse et de la science divine, représenté au milieu de la chape du Docteur angélique, vient signifier que “son activité allie la sagesse humaine à celle venant de Dieu”. Chez Thomas, point de déconnection entre la vie spirituelle et la vie intellectuelle. La chaine d’or portée autour de son cou fait référence à la Catena Aurea. Cet ouvrage du Dominicain sur les quatre évangiles fait le lien avec les commentaires des Pères de l’Eglise et les auteurs antérieurs. Le saint était en constant dialogue avec le Christ crucifié. Le crucifix dans sa main droite en est le témoin. “Tu as bien écrit de moi Thomas”, lui aurait dit Jésus.
Aux pieds de Thomas d’Aquin se trouve un rocher, représentant ses écrits et son enseignement. Huit gerbes en jaillissent, recueillies par des dominicains, des collégiens formés auprès des couvents, un carme et un capucin (ou franciscain). D’autres personnages, religieux ou laïcs, attendent de puiser à la fontaine de sagesse. La présence d’un magistrat “démontre combien l’enseignement de Thomas doit également présider à l’administration de la justice” révèle le même catalogue. En outre, la multiplicité des personnes qui entourent le Docteur angélique “témoigne de la renommée de la pensée thomiste au sein des divers milieux intellectuels de la société du Grand siècle”.
La sagesse du Dominicain est offerte à tous
Les écrits du saint sont largement conservés, non seulement dans les couvents, mais aussi chez de nobles particuliers de l’époque. Et l’on mesure depuis quel précieux héritage le dominicain a laissé à l’Eglise (il est l’auteur le plus cité lors du Concile Vatican II).
“Celui-ci fait jaillir des eaux pures des fontaines divines”, traduit-on de cette phrase latine inscrite au bas du tableau. La sagesse du Dominicain est offerte à tous, “vient y puiser qui veut et qui peut”, précise Claire Rousseau. La possibilité d’y puiser dépend de l’accessibilité aux études. La volonté de s’appuyer sur l’enseignement du Docteur angélique fait référence aux représentations picturales du XVIIe siècle sur lesquelles saint Thomas d’Aquin écrase des écrits de Martin Bucer, théologien passé à la réforme protestante. Aujourd’hui, le choix d’étudier les écrits de Thomas d’Aquin “permet d’accéder à une doctrine structurée et structurante” affirme la commissaire de l’exposition. Qui pourrait se priver d’un tel trésor ?