C’est une difficulté de notre époque. Pendant longtemps, on passait très vite de l’enfance à l’âge adulte. Aujourd’hui, le temps intermédiaire se prolonge. Longueur des études, précarité du premier emploi… Beaucoup de jeunes adultes tardent à prendre leur autonomie. Cela rend plus difficile leur accès à la maturité, contribue pour une bonne part à la fréquence de la cohabitation et prolonge aussi les délais avant le mariage.
Le temps des fiançailles n’est pas une simple attente
Pour la durée des fiançailles, une réponse prudente et peu glorieuse est de dire : ni trop courtes ni trop longues. Quand les délais prévisibles font un peu peur, il vaut mieux prolonger le temps de l’amitié plutôt que de s’engager trop tôt dans le temps des fiançailles. Mais il ne faut pas exclure non plus que dans certains cas un foyer se fonde avant cette fameuse autonomie économique et professionnelle, à condition que la relation aux parents et à leur argent soit contractuelle, et n’ait pas la forme d’une dépendance trop immature.
Les fiançailles, c’est un temps à vivre. Entre la vie de célibataire et la vie d’époux, il y a un nécessaire apprentissage de la vie “ensemble”. Les cohabitants doivent tout apprendre en même temps (et de fait il y a beaucoup de choses qui leur échapperont). Les fiancés, en remettant à plus tard leur vie conjugale, se donnent la possibilité de partager dès maintenant et progressivement les autres choses de la vie : vie amicale, familiale, sportive, culturelle, spirituelle, ecclésiale. Ils n’épouseront pas un “étranger”.
Les fiançailles, un temps pour parler
La parole naît de la distance, expliquent les psychologues. L’absence est muette, mais l’étreinte aussi. L’écart que les fiancés choisissent de vivre, et qui peut être éprouvant, est un espace de dialogue. L’expérience de l’éloignement involontaire (un voyage, le travail) le confirme : c’est alors qu’on ose écrire des choses qu’on n’a jamais dites.
La préparation au mariage est aussi une occasion de parler de façon méthodique des divers aspects de la vie d’époux et de parents. Le statut de fiancés oblige en particulier à parler de l’avenir, alors qu’une fois dans la vie commune on parle en priorité du présent et de ses urgences.
Un temps pour apprendre à prier ensemble
Il est toujours étonnant de constater combien des époux chrétiens ont du mal à prier ensemble (ils prient plus volontiers avec les enfants). Or, il n’y a pas de communauté sans prière communautaire. Un seul cœur appelle une seule âme (Ac 4, 32). Les fiançailles sont un temps de grâce pour être ensemble devant le Seigneur, dans le secret, ou dans la liturgie, ou dans une retraite. C’est également le moment d’oser partager la Parole de Dieu et les motions de l’Esprit.
Enfin et surtout, les fiançailles sont un temps pour apprendre à aimer. Certains s’étonnent : aimer ? Mais les fiancés s’abstiennent d’aimer ! Quelle erreur ! Dans la vision contemporaine de l’amour, on confond malheureusement tous les plans : affectivité, sexualité, génitalité. Le temps des fiançailles restaure et honore au contraire l’éventail des langages amoureux. Entre l’amitié et la conjugalité, il y a la tendresse propre aux fiancés. C’est important pour eux, dans l’immédiat, comme une juste et chaste proximité (non génitale). C’est important aussi pour l’avenir, comme un élargissement du vocabulaire du cœur et du corps dans le couple.
Alain Bandelier